
La veille, le 21 avril 1944, la plupart des hommes de Gabarret et de certaines communes alentour, âgés de 18 à 60 ans font l’objet d’une rafle de la part des troupes d’occupation. Au total 2 000 hommes sont interpellés et amenés en détention soit à Bazas soit à Bordeaux.
Mais trois hommes sont retenus à Gabarret et ensemble «abattus à la mitraillette» le 22 avril à 7 heures du matin.
Les allemands pour justifier leur crime auraient soutenu que les trois prisonniers avaient tenté une évasion.
Un témoin déclare : « Ils avaient été enfermés dans un baraquement à part, au cours de la nuit ils ont été torturés, car je les ai entendus crier. »
Le maire de l’époque requis par les allemands pour reconnaître les corps a « constaté que trois hommes se trouvaient allongés à terre et ne donnaient plus signe de vie. Parmi ces trois victimes (dit le maire) j’ai reconnu le père et le fils CHIMENE »
Ce témoignage montre que ces hommes n’étaient pas inconnus à Gabarret.
Ce que m’a confirmé un ancien Gabardans qui a conservé une parfaite mémoire de cette époque et se souvient que les trois hommes et une femme (certainement l’épouse soit de Pierre soit de Joseph Michel) habitaient rue de la Poste à Gabarret depuis quelques temps.
Ils ont donc été raflés avec les autres résidents de la commune mais leur traitement a été différent. Pourquoi ? Les allemands ont certainement découvert qu’ils étaient juifs et cela semble constituer la véritable raison de leur assassinat.
Mais qui étaient ces hommes ? Le comité du Gabardan du Souvenir Français s’est lancé à leur recherche. Qui cherche, trouve.
Je n’insiste pas sur ce que nous avons appris de leur vie personnelle ou professionnelle car ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est leur sacrifice.

Maurice David CHIMENE
Né à Paris il venait d’avoir 63 ans ce 22 avril 1944 ; Il était le fils d’un représentant de commerce. Il semble que les Chimène soient des descendants de basques espagnols implantés depuis de nombreuses générations dans la région bordelaise.
Maurice épouse à Paris Eva une sage-femme. IL s’occupe « d’affaires financières », et le couple semble avoir vécu dans une certaine aisance.
Lors de la première guerre mondiale Maurice CHIMENE est décoré de la Médaille militaire et de la Croix de Guerre.
Nous n’avons plus d’information jusqu’en 1943.
A cette époque le couple se trouve à Périgueux ainsi que leur fils Pierre. Leurs noms sont inscrits au fichier des réfugiés de la ville de Périgueux qui indique qu’ils arrivent directement de Paris.
Le 15 novembre 1943 leur vie bascule. Eva Fanny est arrêtée à Périgueux par les Allemands et internée à Drancy. Elle est déportée (DP/déportée politique) par le convoi n° 64 parti le 7 décembre 1943 de Drancy à destination d’Auschwitz. Ce convoi est parti avec 1 000 déportés dont 425 femmes. A leur arrivée, 661 personnes ont été gazées.
Eva Fanny Chimène est morte en déportation. Son nom figure sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah à Paris. Les motifs de son arrestation sont inconnus mais le contexte dans lequel Madame Chimène est arrêtée est connu. En effet après l’explosion de deux bombes devant la Feldgendarmerie de Périgueux le 9 novembre 1943, le 10 novembre 1943 et les jours suivants plusieurs rafles ont été menées.
La mention « Mort pour la France » vient d’être attribuée à Maurice le 26 mai 2015 sur la base des documents produits par notre comité du Souvenir Français. Elle n’avait pas été attribuée plus tôt parce que personne n’avait dû la demander et pour cause. Ses ayants-droits avaient disparu.
Pierre Daniel CHIMENE
Né en 1910 à Paris, il avait seulement 33 ans le 22 avril 1944 ; Il était marié mais n’avait pas d’enfant. Son épouse lui a survécu jusqu’en 1993.
Le titre d’ « interné politique » pour la période du 21 au 22 avril 1944 lui a été reconnu.
La mention « mort pour la France » a été attribuée à Pierre Chimène par décision en date du 21 novembre 1945.
Joseph Michel HEYMANN
Né en 1900 à Riga, la plus ancienne ville de Lettonie ; il avait 44 ans le 22 avril 1944.
Il était fils d’un pharmacien et comptable de profession.
Nous ne savons pas quand Joseph Michel Heymann est arrivé en France et à Asnières sur Seine où à l’âge de 30 ans, il a épousé en secondes noces Marthe née à Anvers en Belgique.
En revanche quelle surprise en apprenant qu’à Asnières il y a une rue Joseph Michel Heymann !
En effet par décision du 30 mars 1946 le conseil municipal d’Asnières sur Seine avait décidé de substituer aux noms de certaines rues de la ville, ceux de ses habitants morts pour la France, fusillés par les allemands durant l’occupation. La ville a voulu ainsi honorer ses citoyens qui ont lutté dans la clandestinité pour l’honneur de la Patrie » et en particulier « un certain nombre d’entre eux qui ont payé de leur vie leur dévouement à la cause de la liberté ».
C’est le cas de Joseph Michel qui a été résistant en Dordogne. Le lieutenant des FFI, chef de la Résistance du canton de St Pardoux la Rivière disait en parlant de lui que « depuis 1940 il a appartenu à la résistance et a, en toute circonstance, accompli son devoir envers la France.
Parti de St Pardoux la Rivière pour Gabarret en mars 1944, il a été assassiné dans cette localité par les allemands, le 22 avril suivant.
Il n’est que juste de dire (ajout-t-il) qu’il est mort pour la France, son activité ayant depuis longtemps attiré sur lui l’attention de l’ennemi et de ses complices. »
La mention « mort pour la France » a en effet été attribuée à Joseph Michel HEYMANN par décision ministérielle en date du 14 février 1945.
Ces quelques informations, certes incomplètes, n’ont d’autre but que de faire mieux connaître trois victimes du nazisme qui ont sans doute pensé trouver un peu de paix et un abri dans ce Gabardan qui semblait si tranquille. |